L’ex-Cellule Koniambo1 propose au public, depuis le début d’année 2018, une exposition intitulée « VKP 2004-2016, le nouveau pôle urbain ». Son initiative a pour but d’expliquer la transformation de la région VKP en douze ans. Elle laisse le visiteur perplexe à plus d’un titre et l’éclaire peu sur le sens et les perspectives du développement en cours.
Dans le local presque désaffecté de la médiathèque de l’ouest, au complexe culturel de Koohnê, les agents se relaient pour accueillir les rares visiteurs de l’exposition VKP 2004-2016, jusqu’à mi-mars. « Beaucoup de gens viennent pour la médiathèque ou le Conservatoire. Comme ils sont là, ils font un tour pour regarder l’expo. » Et que voient-ils ? Un inventaire, sur sept panneaux en toile et cinq cadres muraux, des opérations d’aménagement du territoire menées dans les communes de Voh, Koné et Pouembout entre 2004 et 2016. Pourquoi ces jalons ? Tout simplement parce que l’ex-Cellule Koniambo a peiné pour monter l’exposition. Initialement, il s’agissait de célébrer dix ans de rééquilibrage, avant la fin de la mandature provinciale : c’était l’expo « 2004-2014 ». Finalement, ce sera « 2004-2016 », un travail enfin prêt fin 2017…
Avant/après mais encore ?
Sur les panneaux, les photos s’enchainent, par thème, économie, habitat, agriculture, sport, santé… De qualité très moyenne, elles mettent peu en valeur le développement intervenu sur VKP. Le choix de certaines d’entre elles est même difficile à comprendre : ainsi, cette forêt de panneaux indicateurs au rond-point de Cassis. Que fait-elle d’autre que rappeler l’anarchie signalétique contre laquelle les services provinciaux ont tenté de lutter il y a quelques années, pour finalement y renoncer ? Pourquoi l’exposition, dont la philosophie est de donner des gages du rééquilibrage, ne montre-t-elle pas plutôt des habitants occupés à faire ce qu’il n’était pas possible de faire dans la région avant 2004 – se loger en villa à Baco, se baigner dans la piscine de Pouembout, admirer un spectacle dans l’auditorium du complexe culturel? On observe des bâtiments vides, des lotissements vides, des parkings vides, des routes… La scénographie manque de signifiants.
Les chiffres affichés ne nous renseignent pas plus. Ils datent en général de 2015 ou 2016. Mais point de chiffres comparatifs, ceux, les vrais, qui permettraient de donner un sens à l’« Avant/après », de constater objectivement le progrès accompli sur douze ans. L’ex-Cellule Koniambo n’est-elle pas justement chargée, depuis 2004, de chiffrer le développement pour le mettre en perspective ? Où sont les chiffres comparatifs sur l’évolution de l’emploi salarié, les logements construits, les élèves scolarisés, les licenciés sportifs, les loyers, les nouveaux services à la personne, qui offriraient au spectateur de la matière pour mesurer le rééquilibrage ? Le livret de l’exposition donne lui-même très peu d’indicateurs2.
Les textes de l’exposition enfin, sont insipides. Certains sont traduits en langue kanake, initiative intéressante, mais la lecture des traductions est rendue compliquée par le choix d’une petite police. L’ensemble laisse une impression de remplissage.
Plus de magasins, plus d’argent
La morosité économique ambiante n’est pas propice à l’autosatisfaction. Et pourtant ! L’exposition ne manque pas de formules – creuses – à la gloire de l’action de la collectivité provinciale. « Au début des années 2000, face aux enjeux liés à la construction de l’usine du Nord, la province Nord relève le défi du rééquilibrage et insuffle une dynamique pour développer la zone VKP. » Le ton est donné, les informations délivrées sont triées sur le volet. On passe sous silence l’argent de l’Etat, versé sous contrats de développement, pour soutenir plusieurs des projets exposés. On nous vend la Saeml Nord Avenir comme « un dispositif provincial créé en 2014, moteur de diversification et de développement économique », sans souligner qu’elle n’est que l’habillage nouveau de la vieille Sofinor dont toutes les entreprises ou presque étaient alors déficitaires. Expo propagande ? Ses concepteurs ne se formalisent pas de louer les succès du « rééquilibrage » dans une salle qui pourrait plutôt en symboliser les atermoiements et les dysfonctionnements (construite pendant la période et fermée cinq ans après pour cause de malfaçons, la MédOuest connaît un avenir incertain3). Et pourquoi occulter que de nombreux chantiers ont glissé, à commencer par ceux de l’habitat (la moitié des logements planifiés pour répondre aux besoins du développement de VKP n’ont pas été construits), du cinéma de Bako (livré il y a deux ans mais toujours inutilisé) ou de l’hôpital de Paiamboué (ouverture planifiée fin 2015, toujours en attente) ? Pourquoi occulter les dossiers fondamentaux bloqués : schéma de gestion des déchets, barrage de Pouembout, etc. ? L’ex-Cellule Koniambo, dans son « entre-soi » se réjouit de l’argent déversé dans la région et du nombre de nouveaux commerces. « Le centre commercial [Téari] est devenu un véritable poumon commercial de la zone… » Mais elle tait l’émergence d’une délinquance, liée à l’argent et l’alcool, qui frappe le nord.
Non seulement l’habitant de VKP n’apprend rien, mais il ressort de l’exposition avec un goût amer : y-a-t-il des objectifs au rééquilibrage, outre le développement quantitatif ? Avons-nous un projet de société ? Où est le destin commun ? Personne ne semble dupe, la salle de la MédOuest reste vide. Pourtant, une exposition « VKP 2004-2016, le nouveau pôle urbain » avait un intérêt, en particulier pour les Calédoniens qui ne vivent pas dans la région et en méconnaissent l’expansion. Il aurait suffi de se départir de l’autosatisfaction technocratique, d’introduire dans ses panneaux des données pertinentes et une analyse critique – après tout « rééquilibrer » n’est pas chose simple, on a le droit de faire des erreurs. Il aurait suffi de préférer aux brèves interviews de personnalités archi-entendues, des portraits de la classe moyenne née du déploiement de l’usine du Nord et de VKP. L’exposition aurait ainsi fait parler ces gens qui, sans ce développement, seraient aujourd’hui à Nouméa ou sans emploi fixe en tribu.